Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/244

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voir entamer avec succès quelques relations politiques avec les États voisins. Waally avait bien la même pensée, car il fit encore de nouveaux efforts pour obtenir dans le traité une clause qui lui donnât l’appui des colons contre Ooroony, afin de conserver avec eux seuls la suprématie dans le pays. Woolston demanda à Waally quel avantage lui, Woolston, pouvait retirer d’une telle politique ? Le rusé sauvage, avec un sang-froid incroyable, lui répondit qu’il pourrait ajouter à ses possessions du Récif l’île Rancocus. Le gouverneur remercia son puissant ami de son cadeau, et lui signifia que l’île Rancocus lui appartenait ; qu’il eût soin de n’en jamais approcher avec ses canots ; que sinon, il viendrait l’en punir jusque dans ses habitations. Cette injonction amena une discussion fort vive, dans laquelle Waally, une ou deux fois, s’oublia un peu ; et, quand il prit congé de Woolston, il n’était pas de très-bonne humeur.

Marc délibéra sur l’état présent des choses. Jones connaissait bien Ooroony, près duquel il avait vécu jusqu’à sa défaite par Waally ; le gouverneur le choisit donc pour aller le trouver, et il l’embarqua dans un des canots pris aux sauvages, et dont il avait eu soin de conserver deux ou trois à bord. Jones, qui avait une amitié véritable pour l’infortuné chef, accepta avec joie le rôle de négociateur. La batterie de l’Abraham couvrit l’embarcation jusqu’à ce qu’elle eût touché terre, et, six heures après, Marc eut le plaisir de recevoir le bon, l’honnête, le généreux Ooroony, et de l’amener par la main sur la dunette de son bâtiment. Le chef sauvage avait tant souffert, il avait fait pendant ces deux années des pertes si cruelles, qu’il éprouva un bonheur indicible en posant le pied sur le pont du schooner. Sa réception par le gouverneur fut à la fois honorable et touchante. Marc le remercia de ses bontés pour sa femme, pour sa sœur, pour Heaton et pour son ami Bob. Sans lui, le pauvre Woolston eût été un ermite, éloigné pour le reste de ses jours de ses semblables. Les remerciements de Marc furent exprimés avec chaleur, et Ooroony versa des larmes de joie en voyant que ses bonnes actions étaient appréciées et récompensées.