Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

divers bâtiments de commerce, et comme la plupart des marins de sa classe, il pensait qu’une sorte de franchise grossière était la meilleure preuve de talent qu’on pût donner dans sa profession. En conséquence, il voyait avec le plus grand dédain la politesse pointilleuse qu’on observait à bord d’un vaisseau de guerre. Chargé sur la frégate de tenir le livre de loch, de veiller sur tous les approvisionnements et de faire l’examen journalier de l’état des voiles, des cordages, et de tous les agrès, le genre de ses devoirs lui donnait si peu de rapports avec les jeunes officiers qui commandaient la manœuvre, que, quoiqu’il fût bien certainement de la même classe d’êtres que ses compagnons plus policés, on aurait pourtant pu dire qu’il en formait une espèce distincte et séparée. Aussi quand les circonstances exigeaient qu’il sortît momentanément de la routine de sa vie ordinaire, il se faisait une règle de s’associer autant qu’il le pouvait avec ceux dont les habitudes et les opinions s’accordaient le mieux avec les siennes.

Par une fatalité particulière, le chapelain de la frégate, eu égard aux individus avec lesquels il aurait pu se lier, était à peu près dans la même situation que ce marin vétéran.

Un vif désir d’être utile à ceux que la Providence pouvait avoir destinés à rencontrer la mort sur le vaste Océan, avait déterminé ce ministre, dont l’inexpérience était égale à la simplicité de son cœur, à accepter cette place, dans l’espoir que le ciel le rendrait un instrument de salut pour bien des gens qui vivaient dans un oubli complet du grand but de leur pèlerinage en ce monde. Les limites que nous nous sommes imposées, et l’objet de cet ouvrage, ne nous permettent pas de nous étendre sur les diverses causes qui firent qu’il se trouva trompé dans cette attente, et qu’il eut même à lutter contre ses propres penchants, pour conserver la considération à laquelle lui donnait droit son saint ministère. Le sentiment intérieur qui l’avertissait qu’il avait rétrogradé, avait assez diminué sa fierté mondaine, sinon son orgueil spirituel, pour le porter à goûter la société du quartier-maître, que son âge faisait quelquefois songer et l’avenir, quoique ce fût toujours d’une manière subordonnée à ses idées et à son caractère. Peut-être se trouvaient-ils tous deux hors de leur place ; mais il est certain qu’une sympathie secrète, quelle qu’en fût la cause, faisait qu’ils se plaisaient réciproquement en la compagnie l’un de l’autre.