Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/156

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— Ce doit être le désir et le devoir de toute femme qui porte un cœur de femme. Pour ma part, je n’épouserais pas un homme que je ne respecterais ni ne considérerais en toute chose, et à coup sûr, si je lui donnais ma main et mon cœur, je voudrais lui donner autant de contrôle sur mes biens que le permettraient les circonstances. Il peut être prudent de se pourvoir contre l’infortune au moyen d’arrangements, mais, cela fait, je suis certaine que mon plus grand bonheur serait de confier à la garde d’un mari tout ce dont je pourrais disposer.

— Supposez que ce mari fût un prodigue, et qu’il dévorât votre avoir ?

— Il ne pourrait absorber que le revenu, s’il y avait des arrangements ; mais je partagerais plutôt avec lui les conséquences de son imprudence, que de jouir en particulier d’un bien-être égoïste, d’un bien-être qu’il ne partagerait pas.

Tout cela résonnait harmonieusement aux oreilles de John, il connaissait trop bien Anna Updyke pour supposer qu’elle ne conformerait pas ses actes à ses paroles. Il se demandait quelles seraient les idées de Marie Monson sur ce sujet.

— Un mari peut partager le bien-être de sa femme sans en avoir la direction, reprit le jeune homme, avide de connaître la réponse d’Anna.

— Quoi ! comme s’il dépendait de sa bonté ? Une femme qui se respecte elle-même ne voudrait jamais pour un mari une telle dégradation ; non, une femme d’un grand cœur ne consentirait jamais à mettre dans une si fausse position un homme à qui elle a donné sa main : la dépendance appartient à la femme, et non à l’homme. Je suis tout à fait de l’avis de M. Dunscomb, quand il dit que des nœuds de soie sont trop délicats pour être défaits par des dollars. La famille dans laquelle le chef doit demander à la femme l’argent qui doit la soutenir, ne peut tarder à tourner mal.

— Vous feriez une femme exemplaire, Anna, si telles sont réellement vos opinions.

Anna rougit, et se repentit presque de son généreux entraînement ; mais comme elle était très-sincère, elle ne voulait pas cacher ses sentiments.