Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/185

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sir à les avoir. N’importe ; je crois que nous serons encombrés la semaine prochaine.

— Vous disiez donc que Pierre Goodwin était un homme irréprochable ?

— Bien loin de là, à dire le vrai sur son compte ; et puisque je sais que l’homme n’est pas absolument en terre, je ne sais pourquoi je ne pourrais pas parler. Je sais respecter le tombeau aussi bien qu’un autre, mais comme il n’est pas enterré, on peut dévoiler la vérité. Pierre Goodwin n’était nullement ce qu’il paraissait.

— Et quel était son défaut particulier, ma bonne mistress Horton ?

La dame de la maison savait bien que c’était un grand honneur d’être bonne aux yeux de M. Dunscomb, et elle ne fut pas moins flattée de la manière dont ces paroles furent prononcées que de leur signification. Par une faiblesse de femme, mistress Horton fut ravie de cette légère marque d’hommage, et se sentit disposée à laisser échapper un secret qui, pour lui rendre justice, avait été religieusement gardé depuis dix à douze ans entre elle et son mari. Comme elle et le conseiller se trouvaient seuls baissant un peu la voix plutôt pour sauver les apparences que pour un motif suffisant, l’hôtesse reprit :

— Eh bien, esquire Dunscomb, vous devez savoir que Pierre Goodwin était membre d’une association sainte et chrétien fervent ; et ce n’en fut que mieux pour lui, puisqu’il devait être assassiné.

— Est-ce que vous regardez sa qualité de chrétien fervent, selon votre expression, comme une circonstance qu’on doive cacher ?

— Pas le moins du monde, Monsieur ; mais c’est à mes yeux une excellente raison pour que les faits que je vais vous rapporter doivent être généralement inconnus. Les railleurs abondent ; et je crois que les sentiments d’un croyant doivent être traités avec plus de ménagement que ceux d’un incrédule, par égard pour l’église.

— C’est une mode de notre époque, une des mœurs du jour, qu’elle dure ou non. Mais continuez, je vous prie, ma bonne