pelez-vous que je suis votre amie de cœur. Le jeune homme a-t-il votre agrément ?
Une charmante rougeur suivie d’un signe de tête fut la réponse.
— Je suis fâchée de n’avoir pas été consultée avant que tout cela arrivât, quoique j’aie gouverné si mal mes propres affaires que j’ai peu de droits à votre confiance. Vous savez à peine ce que vous entreprenez, mon enfant.
— J’entreprends de devenir la femme de Jack Wilmeter, répondit la fiancée d’une voix basse mais ferme, et j’espère le rendre heureux. Avant tout, je demande à Dieu d’être obéissante et soumise.
— Non, pas à un homme, Anna ; non, pas à un homme ! C’est leur rôle de se soumettre à nous, et non pas nous à eux !
— Ce n’est pas ainsi que j’entends la grande règle de conduite de la femme. D’après ma manière d’envisager nos devoirs, le rôle de la femme est d’être affectionnée, douce, patiente, et de savoir pardonner au besoin. Je suis convaincue qu’à tout prendre une pareille femme ne peut manquer d’être heureuse, autant qu’il nous est donné de l’être sur terre.
— Savoir pardonner reprit Mildred, l’œil étincelant oui, c’est un mot souvent employé ; mais combien peu le mettent réellement en pratique ! Pourquoi pardonnerais-je à un homme qui m’a offensée ? Notre nature nous dit d’avoir du ressentiment, de punir, et s’il le faut, de nous venger !
Un léger frisson passa dans les membres d’Anna, et elle s’éloigna instinctivement de sa compagne, bien que leurs bras restassent entrelacés.
— Il doit y avoir une grande différence entre la France et l’Amérique, si l’on y enseigne la vengeance à une femme comme une partie de ses devoirs, répondit Anna avec une vivacité qu’elle n’avait pas encore montrée jusqu’alors. Ici le christianisme nous en défend même la pensée, et place le pardon au premier rang de nos devoirs. Oui, notre divin maître nous ordonne de bannir loin de nous le ressentiment, et d’aimer nos semblables, qui souffrent des mêmes besoins, et sont soutenus par les mêmes espérances