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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/90

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— De ma ville ? N’êtes-vous pas réellement de New-York ?

— Nullement, répondit Marie, souriant de nouveau ; cette fois pourtant parce qu’elle comprenait avec quelle modestie et quel empressement son compagnon ouvrait une porte par laquelle elle pouvait laisser échapper le secret qu’elle avait refusé de révéler à l’oncle. Je ne suis pas ce que vous appelez une Manhattanoise, ni par mes ancêtres, ni par ma naissance, ni par ma résidence, ni en quoi que ce soit.

— Mais sûrement vous n’avez pas été élevée à la campagne. Vous devez être de quelque grande ville, vos manières le montrent ; je veux dire que vous…

— N’êtes pas de Biberry. En cela vous avez tout à fait raison, Monsieur. Je n’avais jamais vu Biberry il y a deux mois ; mais pour ce qui est de New-York, je n’y ai pas passé un mois dans toute ma vie. La plus longue visite que je vous fis fut une visite de dix jours à mon arrivée du Havre, il y a environ dix-huit mois.

— Du Havre ! Sûrement vous êtes Américaine, miss Monson, notre propre compatriote ?

— Votre propre compatriote, monsieur Wilmeter, par ma naissance, mes ancêtres et mes sentiments ; mais une Américaine peut visiter l’Europe ?

— Certainement, et y être élevée comme j’ai déjà soupçonné que c’était votre cas.

— D’un côté c’est vrai, mais non de l’autre.

Ici Marie fit une pause, prit un petit air mutin, sembla hésiter et douter un peu si elle devait continuer ou non ; enfin elle ajouta :

— Vous avez été en pays étranger, vous-même ?

— C’est vrai ; j’ai passé près de trois ans en Europe, et ne suis de retour chez moi que depuis un an.

— Vous avez voyagé dans l’Orient, je crois, après avoir passé quelques mois aux Pyrénées ? continua la prisonnière avec distraction.

— Vous avez parfaitement raison ; nous avons voyagé aussi loin que Jérusalem. Le voyage est si commun aujourd’hui qu’il a cessé d’être dangereux. Des dames mêmes peuvent aujourd’hui le faire sans crainte.