Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs compagnons. Polwarth s’étendit par terre, tandis que Lionel descendait de cheval près de lui, et son exemple fut suivi par tous ses camarades, qui haletaient de fatigue et de chaleur, comme le daim poursuivi par les chasseurs, et qui a réussi à mettre les chiens en défaut[1].

— Major Lincoln, dit le capitaine, aussi vrai que je suis un homme de mœurs simples et innocent de tout cette effusion de sang, je déclare que faire faire une pareille marche à des troupes, c’est abuser des ressources de la nature humaine. J’ai fait au moins cinq lieues depuis ce lieu de discorde, si mal à propos nommé Concorde jusqu’ici, en moins de deux heures, et cela, au milieu de la fumée, de la poussière et de mille cris infernaux qui feraient cabrer le cheval le mieux dressé de toute l’Angleterre, et en respirant un air si brillant qu’il cuirait un œuf en deux minutes et quinze secondes.

— Vous exagérer la distance, Polwarth. D’après les pierres milliaires, nous n’avons encore fait que deux lieues.

— Les pierres ! les pierres mentent. J’ai ici deux jambes qui savent compter les lieues, les milles, les pieds, et même les pouces ; mieux que toutes les pierres du monde.

— Il est inutile de contester ce point, car je vois que les troupes S’occupent à manger un morceau à la hâte, et nous n’avons pas un moment à perdre pour rentrer à Boston avant la nuit.

— Manger ! Boston ! la nuit ! répéta lentement Polwvarth en s’appuyant sur un coude. Comment ! j’espère qu’il n’y a parmi nous personne qui soit assez enragé pour vouloir rentrer à Boston avant huit jours. Il nous faudrait la moitié de ce temps pour recevoir les rafraîchissements intérieurs nécessaires au maintien de notre système physique, et le surplus suffirait à peine pour nous reposer.

— Tels sont pourtant les ordres du comte Percy ; il vient de m’apprendre que tout le pays est soulevé en face de nous.

— Oui, mais ces drôles ont dormi tranquillement dans leur lit la nuit dernière, et j’ose dire qu’il n’y a pas un chien parmi eux qui n’ait mangé à son déjeuner sa demi-livre de lard, avec tous les

  1. C’est un fait historique qu’une brigade de troupes légères de l’armée anglaise vint se joindre au centre du renfort, et que les soldats s’étendirent par terre, comme cela est décrit ici. Ce récit est exact, à l’exception des événements qui ont rapport aux personnages du roman.