d’obéir littéralement à l’ordre de sa bonne maman. Lorsqu’elle fut sortie de la chambre, Mrs Lechmere ajouta :
— Cette enfant n’a point d’énergie ; ce que j’attendais d’elle est au-dessus de ses forces ! Toutes les femmes de ma race ont toujours été faibles, si ce n’est moi ; ma fille, la nièce de mon mari…
— Que dis-tu de cette nièce ? s’écria la voix foudroyante de Ralph en interrompant ses divagations, cette femme de ton neveu, la mère de ce jeune homme ? Parle, femme, tandis que le temps et la raison ne te manquent pas encore.
Lionel s’avança alors au chevet du lit de la malade, entraîné par une impulsion à laquelle il ne pouvait plus résister, et il lui dit d’un ton solennel :
— Si tu sais quelque chose des malheurs affreux qui sont arrivés à ma famille ; si, de quelque manière que ce soit, tu y as pris quelque part, décharge ton âme de ce fardeau, et meurs en paix. Sœur de mon grand-père, bien plus encore, mère de ma femme, parle, je t’en conjure : que sais-tu sur ma malheureuse mère ?
— Sœur de ton grand-père…, mère de ta femme, répéta Mrs Lechmere, lentement et d’une manière qui indiquait assez qu’elle avait de la peine à rassembler ses idées, oui, l’un et l’autre sont vrais !
— Parlez-moi donc de ma mère, si vous reconnaissez les liens du sang ; dissipez les ténèbres qui ont toujours enveloppé sa destinée.
— Elle est dans la tombe, morte, défigurée. Oui, oui, sa beauté si célèbre est devenue la proie des vers ! Que voulez-vous de plus, insensé ? voudriez-vous voir ses os dans le linceul qui les entoure ?
— La vérité ! s’écria Ralph, dis la vérité, et la part que ta perfidie a prise à ce crime.
— Qui parle ? répéta Mrs Lechmere quittant encore une fois sa voix perçante, quoique voilée, pour ne faire entendre que la cadence chevrotante de la débilité et de la vieillesse ; et regardant en même temps autour d’elle, comme si un souvenir soudain traversait son esprit, elle ajouta : Certes, j’ai entendu une voix que je dois connaître !
— Tiens, regarde-moi ; si tes yeux peuvent voir encore, fixe--