Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/395

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— Vieillard, dit Lionel avec fermeté, personne ne peut savoir mieux que vous que je vous ai suivi jusqu’ici par des motifs qui n’étaient pas indignes de moi. C’est à votre instigation et par suite d’un égarement d’esprit produit par les circonstances que j’ai oublié le serment que j’avais prêté en face de l’autel de protéger l’être faible et sans tache qui est à mon côté ; mais l’illusion est déjà dissipée. Nous nous séparons en ce moment pour toujours, à moins que vous n’accomplissiez sur-le-champ les promesses solennelles que vous m’avez répétées tant de fois.

Le sourire de triomphe qui avait donné un caractère hideux au visage décharné de Ralph, disparut comme une ombre, et il écouta ce que lui disait Lionel avec une attention calme et soutenue. Mais, lorsqu’il se préparait à lui répondre, il fut prévenu par Cécile, qui s’écria d’une voix tremblante :

— Ne nous arrêtons pas un instant ; marchons, n’importe où, n’importe comment. Peut-être nous poursuit-on déjà. Je suis en état de vous suivre au bout du monde : marchons !

— Lionel Lincoln, je ne vous ai pas trompé, dit Ralph d’un ton solennel ; la Providence nous a déjà mis sur le chemin, et dans quelques minutes nous serons au but. Permettez à cette femme timide et tremblante de rentrer dans le village, et suivez-moi.

— Je ne ferai pas un seul pas ! répondit Lionel en serrant plus étroitement le bras de Cécile ; c’est ici que nous nous séparerons ou que vous accomplirez vos promesses.

— Suivez-le ! suivez-le ! lui dit à voix basse la craintive Cécile presque suspendue à son bras. Cette contestation peut causer votre perte. Ne vous ai-je pas dit que je vous accompagnerai partout ?

— Marchez donc, dit Lionel à Ralph en lui faisant signe d’avancer ; je me fie à vous encore une fois, mais usez de ma confiance avec discrétion. Souvenez-vous que mon ange gardien est avec moi, et que vous ne conduisez plus un homme dont l’esprit est égaré.

Les rayons de la lune, tombant sur les traits flétris du vieillard, y révélèrent un sourire tranquille, tandis qu’il reprenait silencieusement sa marche rapide. Ils n’étaient encore qu’à peu de distance du village ; ils voyaient encore les bâtiments dépendant de l’université, et entendaient les cris tumultueux des soldats rassemblés devant la porte des auberges, et même les mots