Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/399

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bêtes valent mieux que l’homme, et il faudra qu’à la fin nous en venions aux chevaux. Mettez un cheval aux trousses d’une Peau-Rouge, et que son fusil soit une fois vide, le naturel ne s’arrêtera jamais pour le recharger.

— C’est un sujet qu’il serait mieux de discuter dans un autre moment, répondit Heyward ; irons-nous à la charge ?

— Je ne vois pas pourquoi, lorsqu’on est obligé de respirer un moment, on n’emploierait pas ce temps en réflexions utiles, reprit le chasseur d’un ton de douceur. Brusquer la charge, c’est une mesure qui ne me plaît pas trop, parce qu’il faut toujours sacrifier quelques têtes dans ces sortes d’attaques. Et cependant, ajouta-t-il en penchant la tête pour entendre le bruit du combat qui se livrait dans l’éloignement, si Uncas a besoin de notre secours, il faut que nous chassions ces drôles qui nous barrent le passage.

Aussitôt, se détournant d’un air prompt et décidé, il appela à grands cris ses Indiens. Ceux-ci lui répondirent par des acclamations prolongées ; et à un signal donné, chaque guerrier fit un mouvement rapide autour de son arbre. À la vue de tant de corps qui se montrent en même temps à leurs yeux, les Hurons s’empressent d’envoyer une décharge qui, faite précipitamment, ne produit aucun résultat. Alors les Delawares, sans se donner le temps de respirer, s’élancent par bonds impétueux vers le taillis comme autant de panthères qui se jettent sur leur proie. Quelques vieux Hurons plus fins que les autres, et qui ne s’étaient pas laissé prendre à l’artifice employé pour leur faire décharger leurs fusils, attendirent qu’ils fussent tout près d’eux, et firent alors une décharge terrible. Les craintes du chasseur se trouvèrent malheureusement justifiées, et il vit tomber trois de ses compagnons. Mais cette résistance n’était pas suffisante pour arrêter les autres ; les Delawares pénétrèrent dans le taillis, et dans leur fureur de l’attaque, avec la férocité de leur caractère, ils balayèrent tout ce qui s’opposait à leur passage.

Le combat corps à corps ne dura qu’un instant, et les Hurons lâchèrent pied jusqu’à ce qu’ils eussent atteint l’autre extrémité du petit bois sur lequel ils s’étaient appuyés. Alors ils firent face, et parurent de nouveau décidés à se défendre avec cette sorte d’acharnement que montrent les bêtes féroces lorsqu’elles se trouvent relancées dans leur tanière. Dans ce moment critique, lorsque la victoire allait redevenir douteuse, un coup de fusil se fit entendre