Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/326

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temps avant que la petite cloche de l’académie eût annoncé que l’heure de rendre justice aux innocents et de punir les coupables était enfin arrivée. Sur tous les chemins qui montaient du fond des vallées, ou qui descendaient du haut des montagnes, on voyait les jurés, les officiers de justice, les plaideurs, leurs amis, leurs conseils, et une foule de curieux, accourir à pied, à cheval.

Sur les dix heures on remarquait sur son maigre cheval à l’amble le cultivateur bien mis, et portant son visage rouge d’un air qui semblait dire : — J’ai payé mes impôts et ne crains personne. À son côté, avec non moins d’importance, et tout aussi indépendant, venait un légiste qui dissertait sur la cause qu’il allait juger.

Au premier son de la cloche, Richard sortit de l’auberge du Hardi Dragon, rendez-vous ordinaire de tout ce qui tenait à la magistrature. Il avait à la main un sabre dans son fourreau dont un de ses ancêtres s’était servi, à ce qu’il disait, dans une des batailles où Cromwell avait été victorieux. Dès qu’il parut à la porte, il cria d’une voix imposante : Place à la cour ! et cet ordre fut exécuté sur-le-champ, quoique sans aucune apparence de servilité, car la plupart de ceux qui composaient la foule faisaient une inclination de tête très-familière à quelqu’un des magistrats, à mesure qu’ils passaient. Un détachement de constables, portant leur bâton officiel, suivait le shérif et précédait Marmaduke, qui marchait à la tête de quatre fermiers lui servant d’assesseurs. Ces quatre juges subalternes n’avaient rien dans leur costume qui les distinguât de la partie des spectateurs qui s’élevaient au-dessus de la populace, et ils n’en différaient que par l’air de gravité qu’ils avaient cru devoir prendre en cette occasion solennelle. Après eux venaient quatre ou cinq procureurs ou hommes de loi ; un autre détachement de constables fermait la marche, et la foule des curieux suivait le cortège.

On se dirigea vers la maison de justice, qui était située dans la prison. On entra d’abord dans une cour carrée, entourée de bâtiments dont la plupart des fenêtres était grillées en fer avec plus ou moins de soin, suivant que les pièces qu’elles éclairaient étaient destinées à servir de demeure à des accusés prévenus de délits emportant peines afflictives, ou à des prisonniers pour dettes. C’était au premier étage que se trouvait la salle des séances du tribunal. Au fond de cet appartement, sur une petite plate-forme