Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

annoncer que les voyageurs étaient sur leurs gardes. Il réussit enfin à se glisser jusque sous l’ombrage du petit bois, où, n’étant plus éclairé par la faible lueur de la lune, il courait moins de risques d’être aperçu, en même temps que de là les objets environnants s’offraient d’une manière plus distincte à ses regards perçants.

Le Teton s’arrêta longtemps dans cet endroit pour y faire ses observations, avant de se hasarder plus loin. Sa position lui présentait le camp de profil, avec sa tente, ses chariots et ses cabanes ; une teinte sombre, mais suffisamment visible, dessinait les contours de tous les objets, et l’œil exercé du guerrier put estimer assez exactement la force de la troupe à laquelle il allait avoir affaire. Un silence trop profond pour sembler naturel continuait à régner dans l’enceinte ; on eût dit que les hommes retenaient même cette respiration paisible qui s’échappe pendant le sommeil, pour inspirer plus de confiance à leurs ennemis. Le chef pencha sa tête jusqu’à terre et écouta attentivement. Il allait la relever sans être plus avancé, lorsque le bruit de la respiration tremblante et prolongée de quelqu’un qui dormait vint parfaitement frapper son oreille. L’Indien connaissait trop toutes les ruses de guerre pour se laisser prendre aux pièges qu’on aurait essayé de lui tendre. Il écouta de nouveau ; s’étant assuré que le son était naturel, il n’hésita plus.

Un homme d’un courage moins éprouvé que le fier Mahtoree aurait pu hésiter à l’aspect des dangers auxquels il s’exposait volontairement. Ce n’étaient pas les premiers aventuriers de leur couleur qui pénétraient dans les déserts habités par sa nation ; leur audace, leur force lui étaient bien connues ; mais il n’en poursuivit pas moins son entreprise, avec la prudence, il est vrai, et la circonspection qu’un ennemi brave ne manque jamais de donner, mais en même temps aveu l’animosité vindicative d’un homme de couleur, furieux des invasions illicites de l’étranger.

Se détournant de la ligne qu’il suivait d’abord, Mahtoree, toujours enfoncé dans l’herbe, se dirigea vers la lisière du petit bois. Lorsqu’il y fut arrivé, il se leva, et examina les lieux avec plus de soin encore. Il ne lui fallut qu’un instant pour découvrir l’endroit où le voyageur sans défianee était étendu. Le lecteur a sans doute déjà deviné que celui qui, sans le savoir, se trouvait être dans un si dangereux voisinage, était un de ces fils indolents d’Ismaël qui avaient été chargés de la garde du camp.