Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/61

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Lorsqu’il fut certain de n’avoir pas été découvert, le Dahcotah s’approcha du dormeur, se pencha sur lui, et tandis que sa figure mobile voltigeait en quelque sorte autour de celle de son ennemi pour l’examiner dans tous les sens, on eût dit un de ces reptiles qu’on voit souvent se dresser en jouant autour de leur victime. Satisfait de son examen, Mathoree retirait sa tête lorsque le jeune émigrant fit un léger mouvement comme s’il allait se réveiller. Le sauvage saisit le couteau qui pendait à sa ceinture, et en un instant il fut posé sur la poitrine du malheureux ; puis tout à coup, changeant d’idée, il se retira d’un pas par un mouvement aussi rapide que la pensée, se blottit derrière le tronc d’arbre contre lequel l’autre avait la tête appuyée, et resta étendu protégé par son ombre, aussi immobile et en apparence aussi privé de sentiment que le tronc lui-même.

Le jeune homme qui était en sentinelle ouvrit ses yeux appesantis, regarda le ciel, et faisant un effort extraordinaire, il souleva sa masse pesante pour regarder autour de lui. Ses regards incertains parcoururent avec une sorte de vigilance les différentes parties du camp, puis se perdirent dans l’immense horizon de la Prairie. Ne voyant rien qui pût justifier ses craintes, il changea de position de manière à tourner complètement le dos à son dangereux voisin, puis il se laissa retomber lourdement à terre, et s’étendit de nouveau tout de son long. Il y eut alors un long intervalle de silence, intervalle pénible et inquiétant pour le Teton avant que le ronflement du voyageur annonçât qu’il était endormi. Le sauvage était trop circonspect pour se fier aux premières apparences du sommeil. Mais les fatigues d’une journée de marche forcée pesaient trop visiblement sur la sentinelle pour que le doute fût longtemps possible. Néanmoins ce ne fut que par un mouvement presque imperceptible, et par des degrés que l’œil le plus attentif aurait eu peine à suivre, que le Dahcotah se releva ; et il se pencha de nouveau sur son ennemi sans avoir fait plus de bruit que la feuille du cotonnier qui flottait dans l’air auprès de lui.

Mahtoree vit alors que le sort de l’émigrant était entre ses mains. En même temps qu’il examinait les membres robustes et les formes athlétiques du jeune homme, avec cette espèce d’admiration que la force physique manque rarement d’exciter dans le cœur d’un sauvage, il se prépara froidement à éteindre le principe de vie qui seul la rendait formidable. Après avoir cherché