Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/86

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vore ; naturel, farouche et indomptable ; ici naturel patient et pacifique ; oreilles, imperceptibles, ici longues oreilles ; cornes, divergentes, ici, cornes, aucune.

Il fut interrompu par un nouvel éclat de rire d’Hélène, qui, en le rappelant à lui, changea le cours de ses réflexions.

— L’image du vespertilio était sur la rétine, dit l’intrépide investigateur des secrets de la nature, sentant le besoin de donner à sa phrase une tournure tant soit peu apologétique ; et dans ma préoccupation, j’ai eu la sottise de prendre mon fidèle animal pour le monstre, — quoique j’en sois encore à me demander pourquoi cette pauvre bête court ainsi à travers champs.

Hélène se mit alors à lui raconter l’histoire de l’attaque nocturne, et des suites qu’elle avait eues. Elle décrivit avec une fidélité scrupuleuse la manière dont les animaux effrayés s’étaient précipités hors du camp, pour se répandre dans la Prairie ; et elle entra même à ce sujet dans des détails qui auraient pu faire soupçonner à un esprit moins simple et moins préoccupé que le bon docteur qu’elle en avait vu plus qu’il ne lui convenait de dire. Sans se permettre de l’exprimer en termes précis, elle sut faire jaillir naturellement de son récit, aux yeux du naturaliste, la très-forte probabilité que ce qu’il avait pris pour des animaux sauvages n’était autre chose que le troupeau dispersé d’Ismaël, et elle finit par des lamentations énergiques sur la perte qu’il avait faite, et par quelques remarques très-naturelles sur la position critique de la famille, qui se trouvait sans ressource.

Le naturaliste écouta dans une muette surprise, sans qu’une seule exclamation lui échappât pendant son récit. L’œil perçant d’Hélène remarqua seulement que, tandis qu’elle parlait, la page importante fut arrachée des tablettes avec un soin qui prouvait que la douce illusion du naturaliste s’était entièrement dissipée. Depuis ce moment, le monde n’a plus entendu parler du vespertilio horribilis americanus ; et les sciences naturelles ont à jamais perdu un anneau précieux de cette grande chaîne animée qui unit, dit-on, le ciel à la terre, et dans laquelle l’homme se trouve si rapproché du singe.

Lorsque le docteur Bat eut appris à fond toutes les circonstances de l’attaque, ses inquiétudes prirent une autre direction. Il avait laissé sous la garde d’Ismaël d’énormes-folios, une quantité de boîtes renfermant une foule de plantes rares et d’animaux empaillés ; et l’idée lui vint tout à coup que des maraudeurs aussi