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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/246

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quoique assez claire pour Wilder, était une énigme complète pour les deux femmes ; mais Knighthead n’avait pas pris son parti à demi, et il n’avait pas été si loin pour s’arrêter court au moment d’accomplir son dessein. Il expliqua en deux mots à Mrs Wyllys la situation désespérée du bâtiment, et l’impossibilité absolue qu’il pût encore rester sur l’eau quelques heures, puisque des expériences réitérées venaient de le convaincre que le fond de cale était déjà à moitié rempli d’eau.

— Et qu’y a-t-il donc à faire ? demanda la gouvernante en jetant un regard de détresse sur la pâle et attentive Gertrude. N’y a-t-il aucun vaisseau en vue pour nous sauver du naufrage ? ou faut-il périr ainsi sans ressource ?

— Dieu nous garde de rencontrer davantage des vaisseaux inconnus ! s’écria l’opiniâtre Knighthead. Nous avons la pinasse qui est suspendue à la poupe, et la terre doit être à une quarantaine de lieues d’ici au nord-ouest. L’eau et les vivres sont en abondance, et douze bras vigoureux peuvent bientôt conduire une chaloupe jusqu’au continent américain, pourvu toutefois qu’on ait laissé l’Amérique où nous l’avons vue, pas plus tard qu’hier au coucher du soleil.

— Vous proposez donc d’abandonner le vaisseau ?

— Oui, l’intérêt des armateurs est cher à tout bon marin, mais la vie est plus précieuse que l’or.

— La volonté du Ciel soit faite ! mais sûrement vous ne méditez aucun acte de violence contre monsieur, qui, j’en suis certaine, a gouverné le vaisseau, dans des circonstances aussi critiques, avec une prudence bien au-dessus de son âge.

Knighthead murmura quelques mots tout bas, comme s’il se faisait part à lui-même de ses intentions, quelles qu’elles fussent, et il se retira alors pour conférer avec les matelots, qui ne semblaient déjà que trop disposés à seconder toutes ses vues, quelque fausses, quelque injustes qu’elles pussent être. Pendant les courts momens d’incertitude qui suivirent, Wilder garda le silence, toujours calme et maître de lui, laissant percer sur ses lèvres une expression de dédain, et conservant plutôt l’attitude d’un homme qui avait le pouvoir de décider du sort de ses semblables, que celui de quelqu’un dont, sans doute, le propre sort se décidait au moment même.

Quand les matelots se furent arrêtés à un parti définitif, le lieutenant vint proclamer le résultat de la délibération. Toutefois