Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/335

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— Vous avez entendu le gong ; quoiqu’il sache être si gai et faire entendre des sous si agréables dans ses momens de bonne humeur, vous ne l’avez jamais vu en colère.

— Et sa colère est donc bien terrible ?

— Peut-être l’est-elle plus pour moi que pour d’autres ; mais je ne redoute rien tant qu’un mot de lui, lorsqu’il est de mauvaise humeur.

— Il est donc dur pour vous ?

— Jamais !

— Vous vous contredisez, Roderick ; il l’est et il ne l’est pas ! N’avez-vous pas dit combien il vous semble terrible quand il est de mauvaise humeur ?

— Oui, car je le trouve changé. Autrefois il n’était jamais ni sombre ni rêveur ; mais depuis quelque temps il n’est plus le même.

Mrs Wyllys ne répondit pas ; le langage du jeune homme était certainement beaucoup plus intelligible pour elle que pour sa jeune compagne qui l’écoutait avec attention, mais sans défiance ; car, tandis qu’elle faisait signe à Roderick de se retirer, Gertrude montrait le désir de satisfaire la curiosité et l’intérêt qu’excitaient en elle la vie et les habitudes du flibustier. Cependant elle répéta cet ordre d’un ton d’autorité, et l’enfant s’éloigna lentement et d’un air de regret qu’il ne cherchait pas à cacher.

La gouvernante et sa pupille se retirèrent ensuite dans leur chambre à coucher, et, après avoir consacré quelques minutes à de pieux devoirs, qu’aucune circonstance ne pouvait les empêcher de remplir, elles s’endormirent fortes de leur innocence et de l’espoir d’une protection toute-puissante ; et aucun autre son que celui de l’horloge du vaisseau, qui sonnait régulièrement les heures dans le silence de la nuit, ne troubla le calme qui régnait en même temps sur l’océan et sur tout ce qui flottait sur sa surface.