Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/148

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— J’ai prononcé les paroles de mon père.

— Et elles ont été entendues ? Ont-elles été prononcées assez haut pour entrer dans les oreilles des jeunes hommes ?

L’Indien garda le silence.

— Parle, continua l’étranger en se redressant fièrement, comme quelqu’un qui est préparé à recevoir une mauvaise nouvelle. Ce sont des hommes qui t’écoutent. Le calumet des sauvages est-il rempli ? Le fumeront-ils en paix ? ou bien saisiront-ils le tomahawk d’une main ferme ?

La contenance du jeune captif montrait une sensibilité qu’un Indien trahit rarement. Il porta son regard attristé sur le doux visage de Ruth, et, tirant lentement sa main de dessous la légère robe qui couvrait en partie son corps, il jeta aux pieds de l’étranger un paquet de flèches enveloppées dans la peau brillante et rayée d’un serpent à sonnettes.

— Ceci est un symbole auquel nous ne pouvons nous méprendre, dit Content en relevant et présentant à la lumière l’emblème bien connu d’une guerre cruelle, et le montrant aux yeux moins expérimentés de son compagnon. Jeune homme, qu’ont fait les gens de ma race pour que tes guerriers en veuillent à leur vie ?

Lorsque le jeune Indien eut rempli son message, il se plaça de côté, et parut ne point vouloir observer l’effet qu’il produisait sur ses compagnons. Mais à cette question il fut sur le point d’oublier tous les sentiments doux qui s’étaient emparés de son cœur, pour se livrer à un emportement subit. Un regard rapide qu’il jeta sur Ruth arrêta ce mouvement, et il continua à être calme et silencieux.

— Jeune homme, répéta Content, je te demande pourquoi ton peuple recherche notre sang ?

Le passage de l’étincelle électrique n’est pas plus subtil ni plus brillant que la flamme qui jaillit des yeux noirs de l’Indien. Son regard semblait darder des rayons éclatants comme celui du serpent. On eût dit que son visage se gonflait ; un éclair de colère jaillit de ses yeux ; mais le triomphe de ce sentiment fut de courte durée. Le jeune Indien redevint maître de lui-même par un inconcevable pouvoir de sa volonté ; et, s’avançant assez près de celui qui lui avait fait une question si téméraire, pour poser un doigt sur sa poitrine, il lui dit avec hauteur :

— Vois ! le monde est bien grand. Il y a place pour la panthère