Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/296

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sité les différents objets qu’il venait de nommer ; mais je ne puis pas voir le blanc Manitou. Les hommes pâles lui parlaient lorsque notre cri de guerre s’est élevé dans les champs, et il ne les a pas entendus. Va, mon fils a frappé leurs guerriers d’une main ferme ; a-t-il oublié de compter combien moururent parmi les arbres dont les boutons sont parfumés ?

— Metacom, reprit le sachem des Narragansetts, avançant avec prudence vers son ami, et parlant à voix basse, comme s’il craignait quelque auditeur invisible, tu as mis la haine dans le sein des hommes rouges, mais peux-tu les rendre plus adroits que les esprits ? La haine est très-forte, mais l’adresse a les bras plus longs. Regarde, ajouta t-il en levant les doigts de ses deux mains devant les yeux de son compagnon attentif, dix neiges sont tombées et se sont fondues depuis qu’il y avait ici une hutte de visages pâles sur cette montagne. Conanchet était alors un enfant ; sa main n’avait encore frappé que des daims ; son cœur était plein de désirs ; le jour il pensait aux crânes des Pequots, pendant la nuit il entendait les dernières paroles de Miantonimoh. Quoique tué par les lâches Pequots et les Yengeeses, le père venait le soir dans son Wigwam pour parler à son fils. L’enfant de tant de grands sachems grandit-il ? son bras devient-il fort ? disait-il ; son pied est-il léger, son œil prompt, son cœur vaillant ? Conanchet sera-t-il comme ses pères ? Quand le jeune sachem des Narragansetts sera-t-il un homme ? Pourquoi parlerais-je à mon frère de ses visites ? Metacom a souvent vu la longue suite des chefs Wampanoags dans son sommeil ; les braves sachems entrent souvent dans le cœur de leurs fils.

Philippe, dont l’esprit était noble, quoique rusé, frappa lourdement sa main contre sa poitrine nue, et répondit :

— Ils sont toujours ici. Metacom n’a d’autre âme que l’esprit de ses pères.

— Lorsqu’il était las de garder le silence, Miantonimoh parlait à haute voix, continua Conanchet après qu’une pause aussi longue que l’exigeait la politesse eut succédé aux paroles emphatiques de son compagnon. Il ordonna à son fils de se lever et d’aller parmi les Yengeeses, afin qu’il revînt avec des crânes pour les suspendre dans son Wigwam ; car les yeux du chef mort n’aimaient pas à voir la place aussi vide. La voix de Conanchet était alors trop faible pour le feu du conseil ; il ne dit rien et alla seul. Un méchant esprit le fit tomber entre les mains des visages