Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/306

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comme s’il était résolu à ne pas être fatigué plus longtemps par les paroles de son rusé compagnon, mes jeunes gens feront retentir le cri de guerre lorsqu’ils entendront ma voix, et ils tueront des daims pour leurs femmes. Sachem, mes pensées sont à moi.

Philippe répondit à l’expression qui accompagnait ces paroles par un regard de vengeance ; mais, déguisant sa colère avec sa prudence habituelle, il quitta la montagne, affectant d’éprouver plus de commisération que de ressentiment.

— Pourquoi Conanchet a-t-il envoyé dans les bois chercher sa femme ? répéta la voix douce de celle qui était près du jeune chef, et qui parlait avec moins de timidité depuis que l’esprit en courroux des Indiens de cette région avait disparu.

— Narra-Mattah, approche-toi, dit le jeune chef, abandonnant le ton fier et solennel avec lequel il s’était adressé au chef guerrier pour prendre des accents qui convenaient mieux aux oreilles d’une jeune femme ; ne crains pas, fille du matin, car ceux qui nous entourent sont d’une race habituée à voir des femmes au feu du conseil. Regarde autour de toi : y a-t-il quelque chose parmi ces arbres qui te rappelle d’anciens souvenirs ? As-tu jamais vu une vallée dans tes rêves ? Les visages pâles qui sont là-bas, et que le tomahawk de mes jeunes gens a épargnés, ont-ils été conduits devant toi par le Grand-Esprit pendant une nuit obscure ?

La jeune femme écoutait avec une impression profonde ; son regard était errant et incertain ; cependant il semblait animé accidentellement par des souvenirs confus. Jusqu’à ce moment, elle avait été trop occupée à deviner le motif de sa venue pour examiner les objets dont elle était entourée ; mais lorsque son attention fut dirigée sur eux, ses yeux les parcoururent avec cette perspicacité si remarquable dans ceux dont les facultés ont été rendues plus subtiles par le danger et la nécessité. Passant d’un objet à un autre, ses regards rapides parcoururent le hameau éloigné, son petit fort, les bâtiments qui se trouvaient plus rapprochés, la verdure des champs, le verger parfumé qui la couvrait de son ombrage, et la tour noircie par le feu qui s’élevait au centre comme un sombre souvenir du passé, et qui semblait placée dans ce lieu pour enseigner qu’il ne fallait pas placer une trop grande confiance dans la paix et les charmes qui y régnaient.

Secouant la tête pour débarrasser son front des boucles de che-