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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/333

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ses résultats. L’émotion donne du sentiment à la musique, et lorsque, pour la troisième fois pendant le cours de son chant, elle s’adressa à sa fille, elle vit ses yeux bleus et doux, qui étaient fixés sur elle, remplis de larmes. Encouragée par cette preuve non équivoque de succès, la nature devint encore plus puissante dans ses efforts ; et lorsque les derniers vers furent chantés, la tête de Narra-Mattah était appuyée sur le cœur de sa mère, comme pendant les premières années de son enfance, quand elle écoutait ces chants harmonieux et mélancoliques.

Content, calme en apparence, surveillait avec anxiété ce retour d’intelligence entre sa femme et son enfant. Il comprenait l’expression qui brillait dans les yeux de Ruth, tandis que ses bras entouraient avec précaution celle qui était toujours appuyée sur son sein, comme si elle eût craint qu’un être aussi timide ne fût effrayé et rappelé trop subitement à lui-même par des caresses auxquelles il n’était point habitué. Une minute s’écoula dans le plus profond silence. Whittal Ring lui-même semblait participer à l’émotion générale, et il s’était passé de tristes années depuis que Ruth n’avait joui d’un bonheur aussi pur. Cette tranquillité fut troublée par des pas bruyants qui se firent entendre dans une chambre voisine ; la porte fut ouverte avec une espèce de violence, et le jeune Mark parut. Son visage était animé par la course, son front semblait avoir conservé l’expression terrible qu’il avait pendant la bataille, et ses pas précipités annonçaient un esprit agité par quelque passion violente. Le paquet de Conanchet était sur son bras ; il le posa sur une table, le montra d’un air qui semblait appeler l’attention, et, se détournant brusquement, il quitta la chambre.

Un cri de joie s’échappa des lèvres de Narra-Mattah aussitôt qu’elle aperçut les bandes enrichies de perles. Les bras de Ruth, qui entouraient toujours la taille de sa fille, retombèrent avec surprise. Avant que l’étonnement eût fait place à des idées suivies, l’être à demi sauvage qui était à ses genoux vola vers la table, revint prendre sa première attitude, ouvrit l’enveloppe du paquet, et présenta aux regards surpris de sa mère le visage paisible d’un enfant indien.

La plume la plus exercée ne pourrait donner au lecteur une juste idée des sentiments opposés qui se disputaient le cœur de Ruth. Le sentiment inné de l’amour maternel semblait combattu par les sentiments de fierté que toute injure ne pouvait manquer