Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/361

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entendre. En présence de son plus mortel ennemi, Conanchet prisonnier n’était point homme à permettre que son courage l’abandonnât. Il regarda froidement et avec distraction l’orateur, et l’œil le plus soupçonneux, le plus exercé, n’aurait pu découvrir dans l’expression de son visage la moindre connaissance de l’anglais. Trompé par le stoïcisme du prisonnier, Meek murmura quelques paroles dans lesquelles le Narragansett était étrangement traité, et où les dénonciations et les prières en faveur de l’indien étaient entremêlées, suivant la mode incohérente de l’époque ; puis il l’abandonna à l’autorité de ceux qui étaient présents, et chargés de décider du sort de Conanchet.

Bien qu’Ében Dudley fût le principal personnage en ce qui concernait les opérations militaires de cette petite expédition, il était accompagné par des hommes dont l’autorité dominait la sienne dans toute circonstance qui ne dépendait pas exclusivement des devoirs de sa charge. Des commissaires nommés par le gouvernement de la colonie, se trouvaient dans la troupe, revêtus du pouvoir de disposer de Philippe, si le chef redoutable tombait entre les mains des Anglais. Cefut à ces commissaires que le sort de Conanchet fut livré.

Nous n’interromprons pas le cours des événements pour nous arrêter sur les particularités du conseils. La question fut considérée comme très-grave, et ceux qui la décidèrent étaient remplis d’un profond sentiment de leur responsabilité. Plusieurs heures se passèrent en délibérations ; Meek ouvrait chacune d’elles par des prières solennelles. Le jugement fut ensuite annoncé à Uncas par le ministre lui-même.

— Les hommes sages de mon peuple se sont consultés touchant le sort du Narragansett, dit-il, et leurs esprits ont profondément réfléchi sur ce sujet. Quant à leur conclusion ; si elle porte l’empreinte d’une basse complaisance, que chacun se rappelle que la Providence du ciel a réuni les intérêts de l’homme dans les desseins de sa sagesse, afin qu’à l’œil de la chair ils semblassent inséparables. Mais ce qui est fait a été fait de bonne foi, suivant les principes qui nous guident, et en vertu de notre alliance avec toi et avec tous les soutiens de l’autel dans ce désert. Voici notre décision. Nous remettrons le Narragansett à ta justice, puisqu’il est évident qu’en lui rendant la liberté, ni toi, qui es un faible soutien de l’Église dans ces régions, ni nous, qui sommes ses humbles et indignes serviteurs, ne serons en sûreté. Prends-