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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/362

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le, et agis envers lui suivant ta sagesse. Nous ne mettons des limites à ton pouvoir qu’en deux choses seulement. Il n’est pas juste qu’aucune créature ayant des sentiments humains doive souffrir dans sa chair plus qu’il n’est nécessaire pour lui ravir l’existence ; nous avons donc arrêté que le captif ne mourra point par les tortures, et, pour assurer cette décision charitable, deux de nos gens l’accompagneront jusqu’au lieu de l’exécution, dans la supposition que ton intention soit de lui infliger la peine de mort. Nous exigeons une autre concession : un ministre chrétien accompagnera le captif, afin qu’il puisse quitter le monde au milieu des prières de celui qui est habitué à élever sa voix jusqu’au pied du trône de la Divinité[1].

Le chef mohican écouta cette sentence avec la plus profonde attention. Lorsqu’il entendit qu’on lui refusait la satisfaction d’éprouver et peut-être de conquérir le courage de son ennemi, son front se couvrit d’un sombre nuage. Mais la force de sa tribu était depuis longtemps renversée : résister eût été aussi dangereux que la plainte inconvenante. Les conditions furent acceptées, et l’on fit aussitôt parmi les Indiens les préparatifs du jugement.

Ce peuple avait peu de principes contradictoires à satisfaire, et aucune subtilité qui pût gêner ses décisions. Positif, sans crainte, simple dans ses pratiques, il se bornait, dans de semblables circonstances, à recueillir la voix des chefs et à instruire le captif du résultat. Les sauvages savaient que leur fortune avait conduit un ennemi implacable entre leurs mains, et ils croyaient que leur propre sûreté exigeait sa mort. Il leur importait peu s’il avait des flèches dans les mains ou s’il s’était rendu sans armes, il connaissait, pensaient-ils, le danger qu’il courait en se rendant, et il avait plutôt consulté sa propre volonté que leur avantage en jetant de côté ses armes. Ils prononcèrent donc la peine de mort contre le prisonnier, simplement parce qu’ils respectaient le décret de leurs alliés, qui avaient interdit la torture.

Aussitôt que cette détermination fut connue, les commissaires de la colonie s’éloignèrent, et leur conscience avait besoin, pour être tranquille, du stimulant de leurs subtiles doctrines. Mais ils étaient d’ingénieux casuistes : et, en retournant dans la vallée, la plupart d’entre eux se sentaient persuadés d’avoir plutôt

  1. La conduite tenue dans cette circonstance par le révérend M. Wolfe et son coadjuteur est historique.