Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sement croire qu’elle avait disparu avec l’intention de ne plus revenir.

L’agitation des deux jeunes gens rendait leurs recherches incertaines ; et ils goûtaient peut-être une secrète satisfaction à prolonger leur entrevue, même d’une manière aussi vague, et qui les empêcha quelque temps de donner l’alarme. Lorsqu’ils s’y décidèrent, il était trop tard. On parcourut les champs, les vergers, les bâtiments extérieurs, sans rencontrer aucune trace des fugitifs. Il eût été inutile pendant les ténèbres d’entrer dans la forêt ; tout ce qu’on pouvait faire était de placer des sentinelles pendant la nuit, et de se préparer à des recherches mieux dirigées dès que le jour commencerait à poindre.

Mais longtemps avant le lever du soleil, la petite bande des fugitifs s’était avancée dans les bois à une telle distance de la vallée, qu’elle se trouvait à l’abri des poursuites de la famille.

Conanchet avait montré le chemin à travers des collines, des courants d’eau et de sombres vallons. Il était suivi par sa compagne silencieuse avec une agilité qui eût fatigué le zèle de ceux même qu’elle venait d’abandonner. Whittal-Ring, portant l’enfant sur son dos, fermait la marche en déployant la même activité. Des heures s’écoulèrent dans cette fuite précipitée, et pas une syllabe n’était prononcée par les trois fugitifs. Une ou deux fois ils s’étaient arrêtés près d’une source où une eau limpide coulait entre des rochers ; ils buvaient dans le creux de leurs mains, et reprenaient leur course avec la même agilité.

Enfin Conanchet s’arrêta. Il étudia d’un air grave la position du soleil, et regarda avec une grande attention autour de lui, afin de ne point être trompé sur le lieu où il se trouvait. À des yeux moins habiles, les arcades que formaient les arbres, la terre couverte de feuilles, les troncs déracinés, tous ces signes des forêts eussent semblé partout les mêmes. Mais Conanchet n’était pas aussi facile à tromper. Satisfait du chemin qu’il avait parcouru, et de l’heure peu avancée, le chef fit signe à ses deux compagnons de se placer à ses côtés, et prit un siège lui-même sur un quartier de rocher dont la tête aride sortait d’un des flancs de la montagne.

Un profond silence régna pendant quelques minutes après que chacun se fut assis. Les yeux de Narra-Mattah étaient fixés sur le visage de son mari, et son regard était celui d’une femme qui cherche à s’instruire dans l’expression des traits de celui qu’elle