Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/369

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y a dans ces bois un visage pâle qui est comme un renard dans un terrier ; il se cache des Yengeeses. Lorsque les gens de son peuple étaient sur ses traces, hurlant comme des loups affamés, cet homme se confia à un Sagamore. C’était une chasse fatigante, et mon père devient vieux. Il monta sur un jeune arbre, comme un ours, et Conanchet éloigna la tribu menteuse. Mais ses jambes ne ressemblent point au courant d’eau, elles ne peuvent courir toujours.

— Et pourquoi le grand Narraganset donne-t-il sa vie pour un étranger ?

— Cet homme est brave, reprit le sachem avec fierté ; il a enlevé la chevelure d’un Sagamore !

Narra-Mattah garda de nouveau le silence ; elle réfléchissait avec un étonnement presque stupide à cette effrayante vérité. Enfin, elle se hasarda à répondre :

— Le Grand-Esprit voit que le mari et la femme sont de différentes tribus ; il désire qu’ils appartiennent au même peuple. Que Conanchet quitte les bois, et se dirige vers les plantations avec la mère de son enfant. Le père blanc de Narra-Mattah sera heureux, et le Mohican Uncas n’osera pas le suivre.

— Femme, je suis un sachem et un guerrier parmi mon peuple.

Il y avait dans la voix de Conanchet une expression de mécontentement froide et sévère, que sa compagne n’avait point encore connue. Il avait parlé comme un chef parlait à une femme, et non pas avec cette douceur à laquelle il avait habitué la fille des blancs. Ces mots tombèrent sur son cœur comme le froid de la mort, et l’affliction la rendit muette. Le chef lui-même garda le silence pendant quelques minutes, d’un air sombre ; et se levant toujours mécontent, il montra le soleil, et ordonna à ses compagnons de le suivre. Dans un espace de temps qui ne sembla qu’une minute à celle dont le cœur battait avec une affreuse violence, et qui suivit la course rapide de Conanchet, la petite troupe fit le tour d’une éminence, et se trouva bientôt en la présence de ceux qui attendaient évidemment son arrivée. Le groupe se composait seulement d’Uncas, deux de ses plus cruels et plus vigoureux guerriers, du ministre et d’Ében Dudley.

S’avançant rapidement vers le lieu où son ennemi l’attendait, Conanchet prit place au pied de l’arbre fatal. Montrant l’ombre qui n’avait pas encore tourné vers l’est, il croisa ses bras sur sa