pleines de sentiment et de fautes d’orthographe !
Voilià longtemps qu’il projetait de faire cette
bonne partie, longtemps qu’il n’avait pas pu. Pourquoi ?
Parce que la liberté est rare, et aussi à cause
de ce bête d’argent qui manque toujours. Mais
enfin, ils s’en étaient donné tous les deux, du bon
temps et du grand air. Ils avaient mangé des artichauts
à la poivrade sous la tonnelle fleurie de
capucines, bu du « reginglet » qui râpe le gosier,
couché dans des draps de paysan, bien blancs et
bien rudes ; ils avaient surtout couru au hasard
sous le taillis, où elle avait cueilli et mangé des
mûres et des fraises sauvages, et où, comme un
berger de Théocrite et comme un calicot du
dimanche, il avait gravé son initiale et celle de
Maria, avec son canif, sur l’écorce blanche d’un
bouleau.
Mais l’instant le plus doux de ces douces heures,
— l’instant dont le souvenir fera naître encore un
sourire sur ses lèvres de vieillard, dans quarante
ou cinquante ans, quand il traînera sa canne
d’invalide sur le sable de la Petite-Provence, —
ce fut vers onze heures du soir, la veille du départ.
Comme il pleuvait à verse, ils s’étaient attardés
devant la cheminée de la cuisine, lui séchant ses
Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/21
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.