Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t2, 1892.djvu/164

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Et dans cette maison, son œuvre, son idée,
Que plus que le Grand Roi son génie a fondée
Et qui pour la pensée humaine est un besoin,
Le rêveur, qui jadis étendu dans le foin
Peut-être méditait déjà Le Misanthrope,
Ce soir, à tout Paris, à la France, à l’Europe,
Au monde, où ses chefs-d’œuvre en tous lieux sont connus,
Peut dire avec orgueil : « Soyez les bienvenus ! »

Deux cents ans ! Songez-y… Quelle éclatante gloire
Demeure intacte après deux siècles dans l’histoire ?
Presque aucune. Quel roi, quel césar, quel tribun
Reste debout après deux siècles ? Presque aucun.
Le souvenir s’en va des gagneurs de batailles,
Comme leurs fronts laurés s’usent sur les médailles ;
La voix qui fit tomber les murs de Jéricho
S’éteint dans l’avenir profond et sans écho ;
L’herbe pousse en cachant la colonne abattue
Et l’échafaud se dresse où planait la statue :
Tout disparaît. L’art seul a l’immortalité !
Et le plus clair esprit qui jamais ait été,
Molière, dont sans cesse une foule empressée
Acclame, en s’enivrant du vin de sa pensée,
Le nom toujours plus pur, plus illustre et plus beau,
Il a son temple, lui qui n’a pas de tombeau !