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Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/43

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j’ai assisté à l’éclosion des délicieuses mélodies de Widor ; enfin — spectacle inoubliable — j’ai vu de tout près danser Mlle Mauri.

Le maître de ballet, c’était ce pauvre Mérante, au- jourd’hui mort, comme Régnier, comme Vaucorbeil. Que c’est triste de retourner la tête et de voir tant de tombeaux au bord du chemin parcouru ! Quoiqu’il ne fût déjà plus jeune alors, Mérante, dans tous les ballets, représentait encore l’homme aimé, celui qui met ses mains sur son cœur à l’entrée de « l’étoile » et l’enlace sans délai pour le pas de deux. Dans le monde des théâtres, il était surnommé le « Delaunay de la danse ». C’était un fort digne homme, de mœurs bourgeoises et correctes, excellent dans son art et qui avait su se faire aimer et respecter par son régiment de jupons courts, depuis l’état-major des premiers sujets jusqu’aux rats, sortes d’enfants de troupe de la chorégraphie. Il leur donnait d’ailleurs ses ordres avec une décision et une fermeté tout à fait napoléoniennes, et il avait, pour le premier quadrille, le demi-sourire paternel et satisfait de l’Empereur passant devant ses grenadiers. Faut-il le dire? Quelques-unes de ces demoiselles méritaient, à tous les titres, d’être comparées à la Vieille Garde.

Widor, avec qui je me liai, dans ces circonstances, d’une bonne et durable amitié, touche, comme on sait, les grandes orgues de Saint-Sulpice. C’est un parfait gentleman, répandu dans la meilleure compagnie, et