Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/44

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déjà les belles dames se donnaient, à cette époque, rendez-vous dans son buffet. Je l’ai vu et jugé à l’église et à l’avant-scène. Il s’y révélait, avec une simplicité, une bonhomie charmantes, ce qu’il est en effet, un grand musicien. Mais il n’a jamais mieux prouvé que pendant les répétitions de la Korrigane, l’abondance et la variété de son inspiration. Vingt fois, du jour au lendemain, sur l’indication, le plus souvent très vague et très sommaire, du chorégraphe, il apporta une page exquise. Quand cela ne marchait pas, tout de suite, il en écrivait une autre, et sans jamais une trace de fatigue, un mouvement de mauvaise humeur. Je l’ai vu — si je puis dire — improviser ainsi la Sabotière, la voluptueuse valse du second acte, les parties maîtresses de son œuvre. Et ce sont de belles heures, celles où l’on peut admirer un tel artiste, en pleine production et débordant de vaillance et de verve.

Mais l’enchantement, la merveille, c’était la Mauri ! Jolie? Mieux que jolie ! capiteuse! adorable! Le visage un peu étroit, la bouche grande, le teint de citron de l’Espagnole. Mais quelle flamme dans les yeux ! Quel sourire sur les lèvres fraîches et sur les dents éclatantes ! El quel corps, moulé par le maillot ! Une statuette aux proportions fines et pures, mais une statuette animée, vivante, qui, au moindre mouvement, par un don de nature, trahissait sa vivacité sa souplesse, sa force et sa grâce.