Page:Corancez - De J. J. Rousseau, 1798.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 6 )

le monter tel qu’il étoit, en m’appuyant toujours sur des faits dont j’ai été le témoin direct. Je veux faire entrer mes lecteurs dans ſon intérieur, & par-là les mettre à portée de pouvoir eux-mêmes apprécier le mobile de ſes actions. On verra que lorſqu’il étoit lui, ſi je puis me servir de cette expreſſion, il étoit d’une ſimplicité rare, qui tenoit encore du caractère de l’enfance ; il en avoit l’ingénuité, la gaîté, la bonté, & ſur-tout la timidité. Lorſqu’il étoit en proie aux agitations d’une certaine qualité d’humeur qui circuloit avec ſon ſang, il étoit alors ſi différent de lui-même, qu’il inſpiroit, non pas la colère, non pas la haine, mais la pitié ; c’est du moins ce ſentiment que j’ai long-temps éprouvé. Mon attachement pour lui n’en étoit que plus étroit, & mon reſpect étoit tel, que de peur de lui ôter de la conſidération, je taiſois à mes amis les plus intimes, les obſervations que me mettoient à portée de faire la fréquence de mes viſites, & la confiance qu’il ſembloit m’avoir accordée.

Mon intention n’étant pas de ſatisfaire la vaine curioſité de mes lecteurs, je dois dans le récit des faits ne rien omettre de ce qui peut caractériſer celui qui en est l’objet, pour lui donner ſa véritable phyſionomie. Je me