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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/402

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276
CLITANDRE.

Mais qu’elle est paresseuse à me venir trouver[1] !
La dormeuse m’oublie, et ne se peut lever.
Toutefois sans raison j’accuse sa paresse :
10La nuit, qui dure encor, fait que rien ne la presse ;
Ma jalouse fureur, mon dépit, mon amour,
Ont troublé mon repos avant le point du jour ;
Mais elle, qui n’en fait aucune expérience,
Étant sans intérêt, est sans impatience.
15Toi qui fais ma douleur, et qui fis mon souci[2],
Ne tarde plus, volage, à te montrer ici ;
Viens en hâte affermir ton indigne victoire ;
Viens t’assurer l’éclat de cette infâme gloire ;
Viens signaler ton nom par ton manque de foi ;
20Le jour s’en va paroître ; affronteur, hâte-toi.
Mais, hélas ! cher ingrat, adorable parjure,
Ma timide voix tremble à te dire une injure ;
Si j’écoute l’amour, il devient si puissant
Qu’en dépit de Dorise il te fait innocent :
25Je ne sais lequel croire, et j’aime tant ce doute,
Que j’ai peur d’en sortir entrant dans cette route.
Je crains ce que je cherche, et je ne connois pas
De plus grand heur pour moi que d’y perdre mes pas.
Ah, mes yeux ! si jamais vos fonctions propices[3]
30À mon cœur amoureux firent de bons services,

  1. Var. Mais qu’elle est paresseuse à me venir treuver ! (1632)
  2. Var. Toi que l’œil qui te blesse attend pour te guérir,

    Éveille-toi, brigand, hâte-toi d’acquérir

    Sur l’honneur d’Hippolyte une infâme victoire,

    Et de m’avoir trompée une honteuse gloire ;

    Hâte-toi, déloyal, de me fausser ta foi. (1632-57)

    Var. Toi par qui ma rivale a de quoi me braver.

    Ne tarde plus, volage, à la venir trouver,

    Hâte-toi d’affermir ton indigne victoire.

    De s’assurer l’éclat de cette infâme gloire,

    De signaler ton nom par ton manque de foi. (1660)
  3. Var. Ah, mes yeux ! si jamais vos naturels offices. (1632)