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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/403

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ACTE I, SCÈNE I.

Apprenez aujourd’hui quel est votre devoir :
Le moyen de me plaire est de me décevoir ;
Si vous ne m’abusez, si vous n’êtes faussaires,
Vous êtes de mon heur les cruels adversaires[1].
35Et toi, soleil, qui vas, en ramenant le jour,
Dissiper une erreur si chère à mon amour,
Puisqu’il faut qu’avec toi ce que je crains éclate,
Souffre qu’encore un peu l’ignorance me flatte.
Mais je te parle en vain, et l’aube de ses rais[2]
40A déjà reblanchi le haut de ces forêts.
Si je puis me fier à sa lumière sombre[3],
Dont l’éclat brille à peine et dispute avec l’ombre[4],
J’entrevois le sujet de mon jaloux ennui,
Et quelqu’un de ses gens qui conteste avec lui[5].
45Rentre, pauvre abusée, et cache-toi de sorte[6]
Que tu puisses l’entendre à travers cette porte.

  1. Var. [Vous êtes de mon heur les cruels adversaires.]
    Un infidèle encor régnant sur mon penser,
    Votre fidélité ne peut que m’offenser.
    Apprenez, apprenez par le traître que j’aime
    Qu’il vous faut me trahir pour être aimé de même.
    Et toi, père du jour, dont le flambeau naissant
    Va chasser mon erreur avecque le croissant,
    S’il est vrai que Thétis te reçoit dans sa couche,
    Prends, soleil, prends encor deux baisers sur sa bouche.
    Ton retour me va perdre, et retrancher ton bien :
    Prolonge, en l’arrêtant, mon bonheur et le tien.
    [Puisqu’il faut qu’avec toi ce que je crains éclate.] (1632-57)
  2. Var. Las ! il ne m’entend point, et l’aube de ses rais (a). (1632-57)
    (a). Rais, rayons. Voyez le Lexique.
  3. Var. Si je me peux fier à sa lumière sombre. (16632)
    Var. Si je me puis fier à sa lumière sombre. (1644-60)
  4. Var. Dont l’éclat impuissant dispute avecque l’ombre. (1632-57)
  5. En marge, dans l’édition de 1632 : Rosidor et Lysandre entrent.
  6. Var. Rentre, pauvre Caliste, et te cache de sorte. (1632-57)