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CLITANDRE.
D’un ordre assez précis l’heure presque expirée
Me défend des discours de plus longue durée.
À mon empressement pardonnez cet adieu ;
Je perdrois trop, Monsieur, à tarder en ce lieu.
DORISE.
Ami, qui que tu sois, si ton âme sensible
À la compassion peut se rendre accessible,
Un jeune gentilhomme implore ton secours :
Prends pitié de mes maux pour trois ou quatre jours[1] ;
Durant ce peu de temps, accorde une retraite
Sous ton chaume rustique à ma fuite secrète :
D’un ennemi puissant la haine me poursuit,
Et n’ayant pu qu’à peine éviter cette nuit…
PYMANTE.
L’affaire qui me presse est assez importante
Pour ne pouvoir. Monsieur, répondre à votre attente ;
Mais si vous me donniez le loisir d’un moment,
- ↑ Var. Prends pitié de mes maux, et durant quelques jours
Tiens-moi dans ta cabane, où bornant ma retraite,
Je rencontre un asile à ma fuite secrète.
pym. Tout lourdaud que je suis en ma rusticité,
Je vois bien quand on rit de ma simplicité.
Je vais chercher mon bœuf : laissez-moi, je vous prie,
Et ne vous moquez plus de mon peu d’industrie.
dor. Hélas ! et plût aux Dieux que mon affliction
Fût seulement l’effet de quelque fiction !
Mon grand ami, de grâce, accorde ma prière.
pym. Il faudroit donc un peu vous cacher là derrière :
Quelques mugissements entendus de là-bas
Me font en ce vallon hasarder quelques pas :
J’y cours et vous rejoins, dor. Souffre que je te suive.
pym. Vous me retarderiez, Monsieur : homme qui vive
Ne peut à mon égal brosser dans ces buissons.
dor. Non, non, je courrai trop. pym. Que voilà de façons !
Monsieur, résolvez-vous, choisissez l’un ou l’autre :
Ou faites ma demande, ou j’éconduis la vôtre.
dor. Bien donc, je t’attendrai, pym. Cette touffe d’ormeaux
Aisément vous pourra couvrir de ses rameaux. (1632-57)