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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/457

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ACTE IV, SCÈNE I.
PYMANTE.

Ne songez plus, Madame, à rejoindre les morts[1] ;
Pensez plutôt à ceux qui n’ont point d’autre envie[2]
Que d’employer pour vous le reste de leur vie ;
Pensez, plutôt à ceux dont le service offert
1000Accepté vous conserve, et refusé vous perd.

DORISE.

Crois-tu donc, assassin, m’acquérir par ton crime ?
Qu’innocent méprisé, coupable je t’estime ?
À ce compte, tes feux n’ayant pu m’émouvoir,
Ta noire perfidie obtiendroit ce pouvoir[3] ?
1005Je chérirois en toi la qualité de traître,
Et mon affection commenceroit à naître
Lorsque tout l’univers a droit de te haïr ?

PYMANTE.

Si j’oubliai l’honneur jusques à le trahir,
Si pour vous posséder mon esprit, tout de flamme,
1010N’a rien cru de honteux, n’a rien trouvé d’infâme,
Voyez par là, voyez l’excès de mon ardeur :
Par cet aveuglement jugez de sa grandeur.

DORISE.

Non, non, ta lâcheté, que j’y vois trop certaine,
N’a servi qu’à donner des raisons à ma haine.
1015Ainsi ce que j’avois pour toi d’aversion
Vient maintenant d’ailleurs que d’inclination :
C’est la raison, c’est elle à présent qui me guide
Aux mépris que je fais des flammes d’un perfide.

PYMANTE.

Je ne sache raison qui s’oppose à mes vœux,
1020Puisqu’ici la raison n’est que ce que je veux,

  1. Var. Belle, ne songez plus à rejoindre les morts. (1632)
    Var. Ne songez plus, Dorise, à rejoindre les morts. (1644-57)
  2. Var. Pensez plutôt à ceux qui vivants n’ont envie. (1632-57)
  3. Var. Ton perfide attentat obtiendroit ce pouvoir ? (1632-57)