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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/548

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LA VEUVE.

430Et dans le juste soin qu’elle a de les cacher,
Vois que si même ardeur embrase nos deux âmes,
Sa bouche à son esprit n’ose le reprocher.

Pauvre amant, vois par son silence
Qu’elle t’en commande un égal,
435Et que le récit de ton mal
Te convaincroit d’une insolence.
Quel fantasque raisonnement !
Et qu’au milieu de mon tourment
Je deviens subtil à ma peine !
440Pourquoi m’imaginer qu’un discours amoureux
Par un contraire effet change l’amour en haine[1],
Et malgré mon bonheur me rendre malheureux ?

Mais j’aperçois Clarice. Ô Dieux ! si cette belle
Parloit autant de moi que je m’entretiens d’elle !
445Du moins si sa nourrice a soin de nos amours,
C’est de moi qu’à présent doit être leur discours.
Une humeur curieuse avec chaleur m’emporte[2]
À me couler sans bruit derrière cette porte[3],
Pour écouter de là, sans en être aperçu,
450En quoi mon fol espoir me peut avoir déçu.
Allons. Souvent l’amour ne veut qu’une bonne heure[4] :
Jamais l’occasion ne s’offrira meilleure,
Et peut-être qu’enfin nous en pourrons tirer
Celle que nous cherchons pour nous mieux déclarer[5].



    Apprends que si Philiste est en ses bonnes grâces,
    [Sa bouche à son esprit n’ose le reprocher,] (1634-57)
    Var. Avouât de si basses flammes. (1660-64)

  1. Var. Par un contraire effet change un amour en haine. (1684-60)
  2. Var. Je ne sais quelle humeur curieuse m’emporte. (1634-68)
  3. Var. À me couler sans bruit dans la prochaine porte. (1634-57)
  4. Var. Suivrons-nous cette ardeur ? Suivons, à la bonne heure. (1634-57)
  5. Var. Celle que notre amour cherche à se déclarer. (1634-57)