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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/618

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LA VEUVE.

1805Il vous faut être ingrate, ou bien à l’avenir
Lui garder en votre âme un peu de souvenir[1].
La mienne en est jalouse, et trouve ce partage,
Quelque inégal qu’il soit, à son désavantage :
Je ne puis le souffrir. Nos pensers à tous deux[2]
1810Ne devroient, à mon gré, parler que de nos feux ;
Tout autre objet que moi dans votre esprit me pique.

CLARICE.

Ton humeur, à ce compte, est un peu tyrannique :
Penses-tu que je veuille un amant si jaloux ?

PHILISTE.

Je tâche d’imiter ce que je vois en vous :
1815Mon esprit amoureux, qui vous tient pour sa reine,
Fait de vos actions sa règle souveraine.

CLARICE.

Je ne puis endurer ces propos outrageux :
Où me vois-tu jalouse, afin d’être ombrageux[3] ?

PHILISTE.

Quoi ? ne l’étiez-vous point l’autre jour qu’en visite
1820J’entretins quelque temps Bélinde et Chrysolite ?

CLARICE.

Ne me reproche point l’excès de mon amour.

PHILISTE.

Mais permettez-moi donc cet excès à mon tour :
Est-il rien de plus juste, ou de plus équitable ?

CLARICE.

Encor pour un jaloux tu seras fort traitable,
1825Et n’es pas maladroit en ces doux entretiens[4],
D’accuser mes défauts pour excuser les tiens ;

  1. Var. Lui garder en votre âme un petit souvenir. (1634-60)
  2. Var. Je ne le puis souffrir. Nos pensers à tous deux. (1634-57)
  3. Var. Où m’as-tu vu jalouse, afin d’être ombrageux ?
    phil. Ce fut, vous le savez, l’autre jour qu’en visite. (1634-60)
  4. Var. Et tu sais dextrement dedans nos entretiens
    Accuser mes défauts en excusant les tiens. (1634-57)