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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/620

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LA VEUVE.
CLARICE, à Chrysante.

N’usez point de ce mot vers celle dont l’envie
Est de vous obéir le reste de sa vie,
Que son retour rend moins à soi-même qu’à vous.
1850Ce brave cavalier accepté pour époux,
C’est à moi désormais, entrant dans sa famille,
À vous rendre un devoir de servante et de fille ;
Heureuse mille fois, si le peu que je vaux[1]
Ne vous empêche point d’excuser mes défauts,
1855Et si votre bonté d’un tel choix se contente !

CHRYSANTE, à Clarice.

Dans ce bien excessif qui passe mon attente,
Je soupçonne mes sens d’une infidélité,
Tant ma raison s’oppose à ma crédulité[2].
Surprise que je suis d’une telle merveille
1860Mon esprit tout confus doute encor si je veille[3] ;
Mon âme en est ravie, et ces ravissements
M’ôtent la liberté de tous remercîments.

DORIS, à Clarice.

Souffrez qu’en ce bonheur mon zèle m’enhardisse[4]
À vous offrir, Madame, un fidèle service.

CLARICE, à Doris.

1865Et moi, sans compliment qui vous farde mon cœur,
Je vous offre et demande une amitié de sœur.

PHILISTE, à Célidan.

Toi, sans qui mon malheur étoit inconsolable.
Ma douleur sans espoir, ma perte irréparable,
Qui m’as seul obligé plus que tous mes amis,
1870Puisque je te dois tout, que je t’ai tout promis,

  1. Var. Pourvu qu’en mes défauts j’aye tant de bonheur
    Que vous me réputiez digne d’un tel honneur,
    Et que sa passion en ce choix vous contente. (1634-57)
  2. Var. Tant la raison s’oppose à ma crédulité. (1634)
  3. Var. Mon esprit tout confus fait doute si je veille. (1634)
  4. Var. Souffrez qu’en ce bonheur mon aise m’enhardisse. (1634-64)