Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/277

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On s’apprête au passage, on dresse les pontons ;
Vers la rive opposée on pointe les canons.
La frayeur que répand cette troupe guerrière 205
Prend les devants sur elle, et passe la première ;
Le tumulte à sa suite et la confusion[1]
Entraînent le désordre et la division.
La Discorde effarée à ces monstres préside,
S’empare au fort de Skeink des cœurs qu’elle intimide, 210
Et d’un cor enroué fait sonner en ces lieux
La fureur des François et le courroux des cieux,

    Nec mora, pars manibus glebas et grandia ligna
    Provisamque struem ponti, pars ærea plaustris
    Fulmina convolvunt. Lacero simul horror amictu,
    Et pavor, et rigidos vellens Discordia crines
    Prævolat, et Skinki summas evadit in arces.
    Inde cavo stridens per propugnacula cornu,
    Intima jam patriæ labentem in viscera Francum,
    Ultores Superos invictaque fata ferentem,

    qu’environ vingt pas à nager au milieu de ce bras du fleuve, selon ce que dit dans ses lettres Pellisson, témoin oculaire, et ce que m’ont confirmé les habitants. Cet espace n’était rien, parce que plusieurs chevaux de front rompaient le fil de l’eau très-peu rapide. L’abord était aisé ; il n’y avait de l’autre côté de l’eau que quatre à cinq cavaliers et deux faibles régiments d’infanterie sans canon (onze à douze cents hommes, infanterie et cavalerie, dit M. Rousset dans son Histoire de Louvois, tome I, p. 359). L’artillerie française les foudroyait en flanc… L’opinion commune était que toute l’armée avait passé ce fleuve à la nage, en présence d’une armée retranchée, et malgré l’artillerie d’une forteresse imprenable, appelée le Tholus. » (Voltaire, Siècle de Louis XIV, chapitre x.) — Le fort de Skink ou Schenk est situé à la pointe de l’île de Bétau ou Bétuwen, à l’endroit où le Rhin se divise en deux bras, dont l’un prend le nom de Wahal et l’autre garde pendant quelque temps celui de Rhin. Voyez plus bas le vers 218.

  1. L’édition de Granet donne ainsi ce vers :
    Le tumulte à la suite et sa confusion.