Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/278

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Leur étale des fers, et la mort préparée,
Et des autels brisés la vengeance assurée.
La vague au pied des murs à peine ose frapper, 215
Que le fleuve alarmé ne sait où s’échapper ;
Sur le point de se fendre, il se retient, et doute
Ou du Rhin ou du Vhal s’il doit prendre la route.
Les tremblements de l’île ouvrant jusqu’aux enfers
(Écoute, Renommée, et répète mes vers), 220
Le grand nom de Louis et son illustre vie
Aux champs Élysiens font descendre l’Envie,
Qui pénètre à tel point les mânes des héros,
Que pour s’en éclaircir ils quittent leur repos.
On voit errer partout ces ombres redoutables 225
Qu’arrêtèrent jadis ces bords impénétrables :
Drusus[1] marche à leur tête, et se poste au fossé
Que pour joindre l’Yssel au Rhin il a tracé ;

    Et letum ante oculos, et ferrum, et vincula, et ignes
    Occinit. Æthereas it raucus clangor in auras,
    Insula quo longe tremit omnis, et omnibus horrens
    Pressit corda gelu : stupet hinc atque inde refusum
    Flumen, et allapsi nota ad divortia fluctus
    Hærent ambigui quo sit fuga tutior amne,
    Quos teneant cursus, Rhenum Vahalimne sequantur.
    Quin et inaccessos fines lætumque pererrans
    Elysium, et clausos æterna nocte recessus,
    Insignes ea fama animas atque invidus ardor
    Elicit in lucem. Volitant exsanguia ripis
    Heroum simulacra, impacatique Sicambri,
    Cæsareumque genus, nomenque insigne Nerones,
    Effossor Drusus fluviorum, et squalidus ora

  1. Drusus Nero (fils de Tiberius Nero et de Livie, frère puîné de l’empereur Tibère), né l’an 38 avant J. C., mort l’an 9 après l’ère chrétienne, fit creuser le canal connu sous le nom de Fossa Drusiana.