Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/280

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Il range cependant ses troupes au rivage,
Mesure de ses yeux Tholus et le passage,
Et voit de ces héros ibères[1] et romains
Voltiger tout autour les simulacres vains.
Cette vue en son sein jette une ardeur nouvelle 245
D’emporter une gloire et si haute et si belle,
Que devant ces témoins à le voir empressés
Elle ait de quoi ternir[2] tous les siècles passés :
« Nous n’avons plus, dit-il, affaire à ces Bataves
De qui les corps massifs n’ont que des cœurs d’esclaves ; 250
Non, ce n’est plus contre eux qu’il nous faut éprouver,
C’est Rome et les Césars que nous allons braver.
De vos ponts commencés abandonnez l’ouvrage,
François ; ce n’est qu’un fleuve, il faut passer à nage,
Et laisser, en dépit des fureurs de son cours, 255
Aux autres nations un si tardif secours.
Prenez pour le triomphe une plus courte voie :
C’est Dieu que vous servez, c’est moi qui vous envoie ;

    Ut stetit, et validos famoso in littore Magnus
    Explicuit cuneos, Rhenumque immensa fluentem
    In spatia, et rapido surgentem murmure vidit,
    Continuo ingentes umbræ, circumflua turba,
    Heroumque altrix menti sese obtulit ætas,
    Et mentem subitus calor insilit : ardet inausum
    Moliri facinus, veterumque lacessere famam
    Æmulus, et priscis unum se opponere sæclis.
    Ergo pares gaudens tandem delapsus in hostes,
    Nec fore cum Batavis, sed Roma et Cæsare bellum :
    « Ite, ait, inceptum, Franci, dimittite pontem ;
    Hoc egeant aliæ tardo molimine gentes :
    Certa mibi vobisque via est, hac qua via cumque
    Esse potest ferro ; tumidos pervadite fluctus,

  1. Ibères, espagnols.
  2. Tenir, dans l’édition de Lefèvre ; c’est une faute toute matérielle, qui produit cependant un faux sens.