Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/329

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Verse indifféremment sa faveur obligeante ;
Et bien loin d’enchérir ou vendre les bienfaits, 25
Tu préviens, en donnant, les vœux et les souhaits[1].
Ces mortels dont l’éclat emporte notre estime
N’ont souvent pour vertu que d’être exempts de crime ;
Mais ta vertu, qui suit des sentiments plus hauts,
Ne borne pas ta gloire à vivre sans défauts : 30
En mille beaux projets, en mille biens féconde,
Ta solide vertu se fait voir dans le monde ;
Et sans les faux appas d’un éclat emprunté,
Elle porte à nos yeux sa charmante beauté.
En vain, pour ébranler ta fidèle constance, 35
On vit fondre sur toi la force et la puissance ;
En vain dans la Bastille on t’accabla de fers[2] ;
En vain on te flatta sur mille appas divers :

    Certare promptis : nil moraris,
    Immeritus meritusve poscat.

    Omnis reatus esto aliis satis
    Expers honestas ; non tibi : sit nisi
    Omni decoro compta virtus,
    Omni etiam specie decori.

    Jus ergo contra fasque perurgeant
    Dirum minantis jura potentiæ,
    Carcer, catenæ, sæviensque
    Suppliciis miseros in artus

    Immane tortor ; pelliciens suis
    Accedat et spes credula fascinis :

  1. Voyez ce qui est dit de ces vers dans la notice de la pièce.
  2. Rien n’est plus connu que la détention de Pellisson à la Bastille, lors du procès de Foucquet, dont il était le premier commis, et que son inaltérable dévouement pour son bienfaiteur. Pellisson avait été mis à la Bastille en septembre 1661, et n’en sortit qu’à la fin du mois de janvier 1666.