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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/52

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Et pour un cavalier, c’est bien bourré[1] des vers
À tort et à travers.

Le plaideur.

Les procès m’ont gâté, Messieurs ; je m’en repens : 45
C’est, dans mon déplaisir, tout ce que j’en puis dire ;
Car je crains tellement de payer des dépens,
Que même au mardi gras je n’ose plus médire.

L’amoureux.

J’ai fait ce qu’il a fallu faire ;
Mais le bal, les collations, 50
Les présents, les discrétions[2]
N’ont point avancé mon affaire.
J’ai corrompu trente valets,
Afin de rendre mes poulets ;
J’ai donné mille sérénades : 55
On persiste à me dédaigner ;
Et deux misérables œillades,
C’est tout ce que j’ai pu gagner.

Quoi que m’ait promis l’espérance,
À la fin il ne m’est resté 60
Que l’incommode vanité
D’une sotte persévérance ;
Ma profusion sans effet
N’a servi qu’à gâter mon fait
Et dissiper mon héritage : 65
Quel malheur me va poursuivant !

  1. Tel est le texte de l’édition originale. Granet a remplacé le participe par l’infinitif bourrer. — Bourrer des vers, c’est faire des vers avec de la bourre, du remplissage. Voyez le Lexique de Malherbe, au mot Bourre.
  2. « Au jeu on appelle discrétion ce qu’on laisse à la volonté du perdant. C’est un moyen de faire un présent déguisé à une femme de jouer contre elle une discrétion. » (Dictionnaire de Furetière.) Voyez le Lexique.