Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Florame.

La conserver encor ! le moyen ? l’apparence ?
Je m’étais plu toujours d’aimer en mille lieux :
Voyant une beauté, mon cœur suivait mes yeux ;
Mais de quelques attraits que le ciel l’eût pourvue,
J’en perdais la mémoire aussitôt que la vue ;
Et bien que mes discours lui donnassent ma foi,
De retour au logis, je me trouvais à moi.
Cette façon d’aimer me semblait fort commode,
Et maintenant encor je vivrais à ma mode :
Mais l’objet d’Amarante est trop embarrassant ;
Ce n’est point un visage à ne voir qu’en passant.
Un je ne sais quel charme auprès d’elle m’attache ;
Je ne la puis quitter que le jour ne se cache ;
Même alors, malgré moi, son image me suit,
Et me vient au lieu d’elle entretenir la nuit.
Le sommeil n’oserait me peindre une autre idée ;
J’en ai l’esprit rempli, j’en ai l’âme obsédée.
Théante, ou permets-moi de n’en plus approcher,
Ou songe que mon cœur n’est pas fait d’un rocher ;
Tant de charmes enfin me rendraient infidèle.

Théante.

Deviens-le, si tu veux, je suis assuré d’elle ;
Et quand il te faudra tout de bon l’adorer,
Je prendrai du plaisir à te voir soupirer,
Tandis que pour tout fruit tu porteras la peine
D’avoir tant persisté dans une humeur si vaine.