Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/214

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Le ciel ne nous fit point, et pareils, et rivaux,
Pour avoir des succès tellement inégaux.
C’est me perdre d’honneur, et par cette poursuite,
D’égal que je lui suis, me ranger à sa suite.
Je donne désormais des règles à mes feux ;
De moindres que Daphnis sont incapables d’eux ;
Et rien dorénavant n’asservira mon âme
Qui ne me puisse mettre au-dessus de Florame.
Allons, je ne puis voir sans mille déplaisirs
Ce possesseur du bien où tendaient mes désirs.

Damon.

Arrête. Cette fuite est hors de bienséance,
Et je n’ai point d’appel à faire en ta présence.
(Théante le retire du théâtre comme par force.)


Scène II


Florame.

Jetterai-je toujours des menaces en l’air,
Sans que je sache enfin à qui je dois parler ?
Aurait-on jamais cru qu’elle me fût ravie,
Et qu’on me pût ôter Daphnis avant la vie ?
Le possesseur du prix de ma fidélité,
Bien que je sois vivant, demeure en sûreté :
Tout inconnu qu’il m’est, il produit ma misère ;
Tout mon rival qu’il est, il rit de ma colère.
Rival ! ah, quel malheur ! j’en ai pour me bannir,
Et cesse d’en avoir quand je le veux punir.
Grands dieux, qui m’enviez cette juste allégeance,
Qu’un amant supplanté tire de la vengeance,
Et me cachez le bras dont je reçois les coups,