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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/232

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Quant à Claveret, il ne blâme point ce procédé, mais il accuse Corneille de le lui avoir dérobé : « Ce que ma plume a produit autrefois ne m’a point fait rougir de honte, et si du temps que j’écrivois, vous ne m’eussiez cru capable au moins de vous suivre, vous n’eussiez pas tâché malicieusement d’éteindre ce peu de lumière, avec laquelle j’essayois de me faire connoître, établissant le titre d’une de vos pièces sur le fondement d’une seule rime[1]. J’entends parler de votre Place Royale, que vous eussiez aussi bien appelée la Place Dauphine, ou autrement, si vous eussiez pu perdre l’envie de me choquer ; pièce que vous vous résolûtes de faire, dès que vous sûtes que j’y travaillois, ou pour satisfaire votre passion jalouse, ou pour contenter celle des comédiens que vous serviez. Cela n’a pas empêché que je n’en aye reçu tout le contentement que j’en pouvois légitimement attendre, et que les honnêtes gens qui se rendirent en foule à ses représentations n’ayent honoré de quelques louanges l’invention de mon esprit. J’ajouterois bien qu’elle eut la gloire et le bonheur de plaire au Roi étant à Forges[2],

  1. Ainsi je veux punir ma flamme déloyale.
    Ainsi…

    ALIDOR.

    Ainsi…Te rencontrer dans la Place Royale.

    (Acte I, scènes iii et iv, vers 177 et 178.)
  2. Claveret avait composé pour cette visite du Roi aux eaux de Forges une pièce que, de l’aveu d’un de ses apologistes, il ne put faire accepter. Nous lisons dans l’Ami du Cid à Claveret (p. 5) : « Votre Place Royale suit assez bien, et je vous confesse qu’elle fut trouvée si bonne à Forges, que Mondory et ses compagnons qui en avoient les eaux dans la saison du monde la plus propre pour les boire, n’en voulurent jamais goûter : tout le monde n’entendra pas ceci peut-être, c’est que vous avez fait une pièce intitulée les Eaux de Forges, que vous leur donnâtes, où il ne manquoit chose du monde, sinon que le sujet, la conduite et les vers ne valoient rien du tout. À cela près c’étoit une assez belle chose. » Dans la Réponse à l’Ami du Cid (p. 45 de l’Epître familière du Sr Mayret), Claveret est ainsi défendu : « Pour sa pièce intitulée les Eaux de Forges, vous avez bien raison de dire pour faire une mauvaise pointe que Mondory et ses compagnons n’en voulurent jamais goûter dans la saison du monde la plus propre pour les boire, mais non pas de vouloir conclure par là qu’elle ne vaut rien, puisqu’il est vrai qu’ils ne