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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/244

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PHYLIS.

105Franchement, c’est-à-dire avec mille rudesses,
Le mépriser, le fuir, et par quelques adresses
Qu’il tâche d’adoucir… Quoi ! me quitter ainsi !
Et sans me dire adieu ! le sujet ?



Scène II.

DORASTE, PHYLIS.
DORASTE.

Et sans me dire adieu ! le sujet ?Le voici.
Ma sœur, ne cherche plus une chose trouvée :
110Sa fuite n’est l’effet que de mon arrivée ;
Ma présence la chasse, et son muet départ
A presque devancé son dédaigneux regard.

PHYLIS.

Juge par là quels fruits produit mon entremise.
Je m’acquitte des mieux de la charge commise ;
115Je te fais plus parfait mille fois que tu n’es :
Ton feu ne peut aller au point où je le mets ;
J’invente des raisons à combattre sa haine ;
Je blâme, flatte, prie, et perds toujours ma peine[1],
En grand péril d’y perdre encor son amitié,
120Et d’être en tes malheurs avec toi de moitié.

DORASTE.

Ah ! tu ris de mes maux.

PHYLIS.

Ah ! tu ris de mes maux.Que veux-tu que je fasse ?
Ris des miens, si jamais tu me vois en ta place.
Que serviroient mes pleurs ? Veux-tu qu’à tes tourments
J’ajoute la pitié de mes ressentiments ?

  1. Var. Je blâme, flatte, prie, et n’y perds que ma peine. (1637)