Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ami, mieux aimé mille fois,
Faut-il, pour m’accabler de douleurs infinies,
Que nos volontés soient unies
170Jusqu’à faire le même choix[1] ?
Viens quereller mon cœur d’avoir tant de foiblesse
Que de se laisser prendre au même œil qui te blesse.

Mais plutôt vois te préférer
À celle que le tien préfère à tout le monde,
175Et ton amitié sans seconde
N’aura plus de quoi murmurer.
Ainsi je veux punir ma flamme déloyale ;
Ainsi…



Scène IV.

ALIDOR, CLÉANDRE.
ALIDOR.

Ainsi…Te rencontrer dans la place Royale,
Solitaire, et si près de ta douce prison,
180Montre bien que Phylis n’est pas à la maison.

CLÉANDRE.

Mais voir de ce côté ta démarche avancée
Montre bien qu’Angélique est fort dans ta pensée.

ALIDOR.

Hélas ! c’est mon malheur : son objet trop charmant,
Quoi que je puisse faire, y règne absolument.

CLÉANDRE.

185De ce pouvoir peut-être elle use en inhumaine ?

ALIDOR.

Rien moins, et c’est par là que redouble ma peine :

  1. Var. Jusques à faire un même choix ?
    Viens quereller mon cœur, puisque en son peu d’espace
    Ta maîtresse après toi peut trouver quelque place. (1637-57)