Mes pensers ne sauroient m’entretenir que d’elle[1] ;
Je sens de ses regards mes plaisirs se borner ;
Mes pas d’autre côté n’oseroient se tourner[2] ;
Et de tous mes soucis la liberté bannie
Me soumet en esclave à trop de tyrannie[3].
J’ai honte de souffrir les maux dont je me plains,
Et d’éprouver ses yeux plus forts que mes desseins.
Je n’ai que trop langui sous de si rudes gênes[4] :
À tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes[5],
De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir,
Fît d’un amour par force un amour par devoir.
[6] ?
Crains-tu de posséder un objet qui te charmeNe parle point d’un nœud dont le seul nom m’alarme.
J’idolâtre Angélique : elle est belle aujourd’hui,
Mais sa beauté peut-elle autant durer que lui ?
Et pour peu qu’elle dure, aucun me peut-il dire
Si je pourrai l’aimer jusqu’à ce qu’elle expire[7] ?
Du temps, qui change tout, les révolutions
Ne changent-elles pas nos résolutions ?
Est-ce[8] une humeur égale et ferme que la nôtre ?
N’a-t-on point d’autres goûts en un âge qu’en l’autre[9] ?
Juge alors le tourment que c’est d’être attaché,
- ↑ Var. Mes pensers n’oseroient m’entretenir que d’elle. (1635-55)
- ↑ Var. Mes pas d’autre côté ne s’oseroient tourner. (1637-57)
- ↑ Var. Fait trop voir ma foiblesse avec sa tyrannie. (1637-57)
- ↑ Var. Mais sans plus consentir à de si rudes gênes,
À tel prix que ce soit, je veux rompre mes chaînes. (1637-57) - ↑ Var. À quel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes. (1660)
- ↑ Var. Crains-tu de posséder ce que ton cœur adore ?
ALID. Ah ! ne me parle point d’un lien que j’abhorre.
Angélique me charme : elle est belle aujourd’hui. (1637-57) - ↑ Var. Si je pourrai l’aimer jusqu’à ce qu’elle empire. (1637-57)
- ↑ L’édition de 1637 porte, par erreur : être, pour est-ce.
- ↑ Var. Un âge hait-il pas souvent ce qu’aimoit l’autre ? (1637-57)