Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/250

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Et de ne pouvoir rompre un si fâcheux marché.
Cependant Angélique, à force de me plaire,
Me flatte doucement de l’espoir du contraire ;
Et si d’autre façon je ne me sais garder,
240Je sens que ses attraits m’en vont persuader[1].
Mais puisque son amour me donne tant de peine,
Je la veux offenser pour acquérir sa haine,
Et mériter enfin un doux commandement[2]
Qui prononce l’arrêt de mon bannissement.
245Ce remède est cruel, mais pourtant nécessaire :
Puisqu’elle me plaît trop, il me faut lui déplaire[3].
Tant que j’aurai chez elle encor le moindre accès,
Mes desseins de guérir n’auront point de succès.

CLÉANDRE.

Étrange humeur d’amant !

ALIDOR.

Étrange humeur d’amant ! Étrange, mais utile.
250Je me procure un mal pour en éviter mille.

CLÉANDRE.

Tu ne prévois donc pas ce qui t’attend de maux,
Quand un rival aura le fruit de tes travaux ?
Pour se venger de toi, cette belle offensée
Sous les lois d’un mari sera bientôt passée[4] ;
255Et lors, que de soupirs et de pleurs répandus
Ne te rendront aucun de tant de biens perdus !

ALIDOR.

Dis mieux, que pour rentrer dans mon indifférence[5],

  1. Var. Ses appas sont bientôt pour me persuader. (1637-57)
  2. Var. Et pratiquer enfin un doux commandement. (1637)
    Var. Pour en tirer par force un doux commandement. (1644-57)
  3. Var. Puisqu’elle me plaît trop, il me lui faut déplaire.
    Tant que j’aurai chez elle encore quelque accès. (1637-55)
  4. Var. Sous le joug d’un mari sera bientôt passée ;
    Et lors, que de soupirs et de pleurs épandus. (1637-57)
  5. Var. Mais dis que pour rentrer dans mon indifférence. (1637-57)