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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/252

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280Connois mieux Angélique et sa haute vertu ;
Et sache qu’une fille a beau toucher mon âme,
Je ne la connois plus dès l’heure qu’elle est femme.
De mille qu’autrefois tu m’as vu caresser,
En pas une un mari pouvoit-il s’offenser ?
285J’évite l’apparence autant comme le crime ;
Je fuis un compliment qui semble illégitime ;
Et le jeu m’en déplaît, quand on fait à tous coups
Causer un médisant et rêver un jaloux.
Encor que dans mon feu mon cœur ne s’intéresse,
290Je veux pouvoir prétendre où ma bouche l’adresse,
Et garder, si je puis, parmi ces fictions,
Un renom aussi pur que mes intentions.
Ami, soupçon à part, et sans plus de réplique[1],
Si tu veux en ma place être aimé d’Angélique,
295Allons tout de ce pas ensemble imaginer
Les moyens de la perdre et de te la donner,
Et quelle invention sera la plus aisée.

CLÉANDRE.

Allons. Ce que j’ai dit n’étoit que par risée.


FIN DU PREMIER ACTE.

    Pour après… ALID. Je t’entends : sois sûr de ce côté ;
    Outre que ma maîtresse, aussi chaste que belle,
    De la vertu parfaite est l’unique modèle,
    Et que le plus aimable et le plus effronté
    Entreprendroit en vain sur sa pudicité,
    Les beautés d’une fille ont beau toucher mon âme. (1637-57)

  1. Var. Ami, soupçon à part, avant que le jour passe,
    D’Angélique pour toi gagnons la bonne grâce,
    Et de ce pas allons ensemble consulter
    Des moyens qui pourront t’y mettre et m’en ôter. (1637-57)