Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/261

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ANGÉLIQUE.

Eh quoi, tu ris encor ! c’est bien faire paroître…

PHYLIS.

455Que je ne saurois voir d’un visage affligé
Ta cruauté punie, et mon frère vengé.
Après tout, je connois quelle est ta maladie :
Tu vois comme Alidor est plein de perfidie ;
Mais je mets dans deux jours ma tête à l’abandon,
460Au cas qu’un repentir n’obtienne son pardon.

ANGÉLIQUE.

Après que cet ingrat me quitte pour Clarine ?

PHYLIS.

De le garder longtemps elle n’a pas la mine,
Et j’estime si peu ces nouvelles amours,
Que je te plége[1] encor son retour dans deux jours ;
465Et lors ne pense pas, quoi que tu te proposes,
Que de tes volontés devant lui tu disposes.
Prépare tes dédains, arme-toi de rigueur,
Une larme, un soupir te percera le cœur[2] ;
Et je serai ravie alors de voir vos flammes
470Brûler mieux que devant, et rejoindre vos âmes.
Mais j’en crains un succès à ta confusion[3] :
Qui change une fois change à toute occasion ;
Et nous verrons toujours, si Dieu le laisse vivre,
Un change, un repentir, un pardon, s’entre-suivre.
475Ce dernier est souvent l’amorce d’un forfait,
Et l’on cesse de craindre un courroux sans effet.

ANGÉLIQUE.

Sa faute a trop d’excès pour être rémissible,
Ma sœur ; je ne suis pas de la sorte insensible ;

  1. Pléger, garantir. Voyez tome 1, p. 156, note 3.
  2. Var. Une larme, un soupir te perceront le cœur. (1637-57)
  3. Var. Mais j’en crains un progrès à ta confusion. (1637-57)